lundi 16 janvier 2012

Grignan et ses muses.



Son ombre plane, on marche dans ses pas et ses mots résonnent.

"Enfin, ma bonne, vous êtes à Grignan, et vous m'attendez sur votre lit. Pour moi, je suis dans l'agitation du départ, et si je voulois être tout le jour à rêver, je ne vous verrais pas sitôt; mais je pars et si je vous écris encore lundi, c'est le bout du monde. Soyez bien paresseuse avant que j'arrive, afin que vous n'ayez plus aucune paresse dans le corps quand j'arriverai. Il est vrai que nos humeurs sont un peu opposées; mais il y a bien autre chose sur quoi nous sommes de même avis; et puis comme vous dites, nos cœurs nous répondent quasi de notre degré de parenté, et vous doivent assurer de n'avoir jamais été prise sous un chou."
A Madame de Grignan
A Paris, vendredi 8 juillet 1672.





"Ne parlons plus de mon voyage, ma (pauvre)bonne; il y a si longtemps que nous ne faisons autre chose, qu'enfin cela fatigue. (...) les longues espérances usent la joie. Vous aurez dépensé tout le plaisir de me voir en attendant; quand j'arriverai, vous serez (toute) accoutumée à moi. Je pars mecredi, et je vais coucher à Essonne ou à Melun. Je vais par la Bourgogne. Votre lettre du 3 est un peu séchette, mais je ne m'en soucie guère."
A Madame de Grignan.
A Paris, ce lundi 11 juillet 1672.
Extrait.



"Enfin, ma fille nous voilà. Je suis encore bien loin de vous, et je sens pourtant déjà le plaisir d'en être plus près. Nous voyageons un peu gravement.M.de Coulanges nous eût été bon pour nous réjouir. Pour avoir de la joie, il faut être avec des gens réjouis; vous savez que je suis comme on veut, mais je n'invente rien."
A Madame de Grignan.
A Auxerre, samedi 16 juillet 1672.




"Si vous n'aviez point été à Dijon occupé à voir perdre le procès du pauvre comte de Limoges,... vous auriez su de mes nouvelles chez mon cousin de Toulongeon...j'ai trouvé cette maison embellie de la moitié, depuis seize ans que j'y étois venue; mais je ne suis pas de même; et le temps, qui a donné de grandes beautés à ses jardins, m'a ôté un air de jeunesse que je ne pense pas que je recouvre jamais. Vous m'en eussiez rendu plus que personne par la joie que j'aurois eue de vous voir, et par les épanouissements de rate à quoi nous sommes forts sujets quand nous sommes ensemble."
Au comte de Bussy-Rabutin.
A Montjeu, ce 22 juillet 1672.





"Si cette date ne vous plaît pas, ma bonne, je ne sais que vous faire.
Monsieur l'intendant me vint prendre au sortir du bateau, lundi, avec Madame sa femme et Mme de Coulanges; je soupai chez eux; hier j'y dînai; on me promène, on me montre; je reçois mille amitiés; j'en suis honteuse; je ne sais ce qu'on a à me tant estimer"
Lettre à Madame de Grignan.
Lyon, mecredi 27 juillet 1672.
Extrait.



"Je voulois partir demain, Mme de Coulanges a voulu encore un jour, et a mis à ce prix son voyage à Grignan; j'ai cru vous faire plaisir de conclure le marché. Je ne partirai donc que vendredi matin; nous irons coucher à Valence. Je serai samedi à une heure après midi à Robinet."
A Madame de Grignan.
Lyon, mecredi 27 juillet 1672.
Extrait.




Madame de Sévigné arriva le trente juillet 1672 à Grignan.
Elle demeura en Provence jusqu'au cinq octobre 1673.
Elle sillonna la région, Montpellier, Marseille, Lambesc, Aix.
Le jour même de son départ pour Paris, elle écrivit à sa fille de Montélimar :
"Voici un terrible jour, ma chère fille; ...Mes yeux qui vous ont tant rencontrée depuis quatorze mois ne vous trouvent plus...Adieu, ma chère enfant, aimez-moi toujours : hélas nous revoilà dans les lettres."
A Madame de Grignan.
Montélimar, le 5 octobre 1673.
Extrait




Madame de Sévigné fit trois séjours à Grignan et elle y mourut le 17 Avril 1696.
Elle fut inhumée le 18 dans le chœur de la collégiale de Grignan.








Tous les ans se déroule à Grignan le festival de la correspondance.
























Madame de Sévigné
Lettres.
Trois tomes
Bibliothèque de la Pléiade, NRF, 1953.

http://www.grignan-festivalcorrespondance.com/